Les salariées de Carrefour atteintes d’endométriose pourront désormais s’absenter jusqu’à 12 jours par an, mais uniquement si elles sont reconnues handicapées, ce qui implique de lourdes démarches et concerne peu des 10% de femmes touchées.
Par Charlotte Durand
« Pour faire progresser les droits des femmes et l’égalité au travail, nous avons décidé (…) d’accorder 12 journées d’absence par an aux femmes souffrant d’endométriose, soit un jour par mois« , a déclaré lors d’une conférence de presse le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, estimant que son groupe est « la première grande entreprise à le faire ».
Attester d’une situation de handicap
Pour bénéficier de ces jours d' »absence médicale autorisée », les salariées devront toutefois présenter « un document attestant la situation de handicap reconnu par l’entreprise (Reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) , carte d’inclusion ou attestation d’invalidité délivrée par la CPAM) », précise le groupe dans un communiqué. Une limitation très importante car les femmes ayant fait ces démarches longues et compliquées sont peu nombreuses. Mais « il faut bien démarrer quelque part, effectivement », a commenté auprès de l’AFP Yasmine Candau, présidente de l’association de lutte contre l’endométriose EndoFrance, qui tente notamment de sensibiliser les grands groupes à cette maladie. Pour elle, les mesures prises par Carrefour sont « une très bonne chose car cela permet de rendre visible l’endométriose dans le monde du travail ».
Une femme menstruée sur dix
Cette maladie gynécologique liée à la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus touche une personne menstruée sur dix, selon les données de l’Inserm. « Je ne suis pas sûr que la réponse doit être législative mais c’est encourager le dialogue social, là où c’est possible, là où ça fait sens« , a réagi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran qui a salué « à titre personnel » la démarche. « Il n’y a pas à l’heure à laquelle je vous parle de projet de loi sur cette question mais on regarde avec attention la manière dont les choses se déroulent dans les entreprises et les collectivités qui mettent déjà en place » des dispositions particulières, a-t-il ajouté.
Un petit nombre seulement ?
Selon le PDG de Carrefour, 50 000 femmes « travaillent tous les jours dans ses magasins en France ». La mesure ne devrait concerner qu’un tout petit nombre d’entre elles, si l’on rapporte ses effectifs féminins aux statistiques nationales sur le nombre de femmes atteintes d’endométriose et celles ayant été reconnues comme handicapées à ce titre. Alexandre Bompard espère pouvoir « changer leur quotidien », pour qu’elles puissent « s’épanouir dans le travail sans craindre d’être ostracisées par leur santé ».
La présidente d’EndoFrance salue le fait que la mesure pourrait pousser des femmes concernées à demander le statut de personne handicapée. Et « quand on a une endométriose tellement sévère qu’elle est invalidante, c’est important de faire cette demande, parce que cette démarche va aider à se maintenir dans l’emploi, avec des horaires aménagés, du mobilier adapté… ».
« Effet d’entraînement »
Actuellement, peu d’entreprises prennent en compte cette maladie gynécologique invalidante au quotidien. Un accord d’entreprise novateur signé entre la direction de L’Oréal et ses représentants syndicaux début janvier accorde de son côté trois jours d’absences médicales autorisées par an aux salariées médicalement diagnostiquées, sur simple « présentation d’un justificatif médical ». Interrogé par l’AFP pour savoir pourquoi Carrefour conditionne à un statut de personne handicapée l’octroi d’un jour de congé par mois, le groupe a répondu : « L’attestation (d’un statut handicapé) permet de flécher le dispositif vers les femmes qui souffrent le plus. Elles sont davantage identifiées. » Devant la presse, le PDG a dit le 19 avril 2023 « l’espoir secret » de son groupe « que cette décision porte au-delà de Carrefour, qu’elle ait un effet d’entraînement, que d’autres entreprises s’en emparent ». Il n’a pas voulu chiffrer la mesure ni révéler combien de salariées cela allait concerner exactement.
Un groupe « pionnier »
Sur France Inter, le même jour, le président du comité stratégique des centres E. Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, a concédé que Carrefour était « pionnier » en la matière, expliquant que c’était « un sujet dont on débat dans toute la distribution » car décidé par des accords de branche. « C’est compliqué de le faire sans qu’il y ait une loi, mais c’est un vrai sujet », a-t-il reconnu. Ces mesures ne concernent pour le moment que les salariées de Carrefour en France, mais Alexandre Bompard entend « adapter les annonces que nous faisons aujourd’hui à l’ensemble des pays », alors que « 200 000 femmes travaillent actuellement » pour le groupe. A commencer par l’Italie et l’Espagne. Rappelons d’ailleurs que le 16 février 2023, le Parlement espagnol a adopté une loi créant notamment un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Une première en Europe, suivant l’exemple du Japon, de la Zambie ou encore de Taïwan (Lire : Le congé menstruel adopté en Espagne : une 1ère en Europe!).
Carrefour a aussi annoncé deux autres mesures en lien avec la santé des femmes au travail : « trois jours d’absence médicale autorisée à la suite d’une fausse couche » -une mesure prise « par anticipation » car une loi sur le sujet est actuellement débattue au Parlement-, ainsi qu’une journée d’absence pour les femmes ayant recours à la PMA, « au moment du transfert d’embryon ».
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© (2023) Agence France-Presse.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l’AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l’accord préalable écrit de l’AFP. L’AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations ».
Source link