Internet, parcours d’obstacles pour les malvoyants

avril 25, 2023 / Comments (0)

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Acheter un billet d’avion, faire ses courses en ligne… La plupart des sites web ne sont pas conçus pour être utilisables par les personnes handicapées, notamment aveugles, les entravant dans leur vie quotidienne et leur accès au travail.

Par Catherine Fay-de-Lestrac

« Comme tous les aveugles, je fais mes courses depuis 17 ans sur Houra.fr (qui dispose d’une ergonomie ad hoc pour les personnes handicapées, ndlr), alors que 90 % des sites de commerce électroniques sont inaccessibles. Pour réserver des vacances, je dois me rendre en agence de voyages. Je ne peux pas bénéficier des prix compétitifs trouvés sur Internet. Quand on est handicapé, on paie plus cher que les autres », explique Manuel Pereira, chargé de l’accessibilité numérique à l’association Valentin Haüy, qui agit en faveur des personnes aveugles et malvoyantes. Les services numériques publics et ceux des grandes entreprises privées ont en principe l’obligation d’être accessibles de façon équivalente à tout citoyen, y compris ceux en situation de handicap visuel, auditif, moteur, avec des troubles « dys »…. Mais, faute de sanctions, peu le sont.

Le sujet sera au menu de la Conférence nationale du handicap (CNH) le 26 avril 2023 à l’Elysée, grand rendez-vous réunissant membres du gouvernement, élus, associations, entreprises, qui a pour mission tous les trois ans de donner le cap des politiques publiques du handicap (Lire : CNH : l’Elysée promet 70 annonces « très fortes »).

Des outils techniques pas toujours présents

Les personnes déficientes visuelles (70 000 aveugles, 1,6 million de malvoyants en France) naviguent sur Internet grâce à des aides techniques restituant les informations présentes à l’écran par le biais de synthèses vocales, d’afficheurs en braille ou des logiciels de grossissement de caractères. Ne pouvant voir où pointe une souris, ils utilisent des raccourcis clavier. Ils peuvent connecter leur ordinateur à un clavier tactile en braille. Mais ces outils techniques ne fonctionnent que si le site est « accessible » à tous, y compris aux personnes handicapées. Chaque site doit publier en bas de sa page une mention déclarative d’accessibilité, qui indique son niveau de conformité au RGAA (référentiel général d’amélioration de l’accessibilité). Il est jugé « conforme » avec un niveau de conformité à 100 %, non conforme en-dessous de 50 %, « partiellement conforme » entre ces deux niveaux.

Le site du palais présidentiel de l’Elysée est à 66 %, SNCF-Connect à 70 %, Mon espace santé à 75 %. France Connect est « non conforme ». Pour les associations, seul un site conforme à 100 % est vraiment utilisable. « Après avoir passé toute une commande sur Internet, on se retrouve parfois avec une case qui n’est pas codée. On ne peut pas payer ou il faut remplir la case en rouge par exemple. On reste bloqué », explique Manuel Pereira.

Des nouvelles technologies qui excluent

« Les billets des TER de Bourgogne, où habite ma grand-mère, ne sont pas vendus au téléphone s’il existe des guichets en gare. Vous êtes handicapé et vous devez vous déplacer en gare pour acheter un billet », se désole Céline Boeuf, aveugle. « Ces nouvelles technologies qui pourraient faciliter leur quotidien aboutissent à les exclure encore davantage », explique Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps qui rassemble 52 associations. Au-delà des aveugles, cela concerne les daltoniens, les dys, les sourds, les personnes en situation de handicap moteur et tous ceux qui, en vieillissant, voient leur vue baisser. « Beaucoup de personnes handicapées ne peuvent pas utiliser les logiciels de visio, de comptabilité, de bases de données. S’ils ne sont pas accessibles, ils excluent les personnes handicapées de l’emploi », poursuit-il.

Des sanctions effectives attendues

Pour les associations et les experts, seuls des contrôles et sanctions effectives permettront de modifier la situation, comme ce fut le cas avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). « Les technologies existent, les professionnels peuvent le faire mais il n’y a pas d’engagement politique. Comme la loi ne prévoit pas de sanction, ce n’est pas une priorité. Nos clients nous disent ‘on le fera plus tard' », explique Romy Duhem-Verdière, du cabinet d’expertise en hautes technologies Octo Technology.

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