Devant la gare de Noisy-le-Sec, dans l’est parisien, Manel Senni, basketteuse en fauteuil roulant, se prépare comme chaque lundi au trajet aléatoire entre son domicile et la salle de sport où elle s’entraîne depuis deux ans.
Par Helena Gisbert Sanchez
A moins de 500 jours des Jeux olympiques 2024 (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 sept) de Paris, les difficultés des sportifs handicapés parisiens illustrent les lacunes des transports de la capitale française en matière d’accessibilité.
Se débrouiller seule
Grâce à des rampes et des ascenseurs, Manel Senni, basketteuse de 25 ans atteinte de spina bifida, une malformation congénitale de la colonne vertébrale, accède sans trop de problème au quai de la gare du RER (train de banlieue). Mais, à l’arrivée du train, environ 40 centimètres séparent le wagon du quai. « Les vieux (trains) ont une marche« , explique-t-elle. « Normalement, je devrais appeler les agents de la gare (…) et attendre qu’ils viennent installer une rampe, mais cela prend beaucoup de temps, généralement de 20 à 30 minutes« . Soucieuse de conserver son autonomie, Manel Senni préfère se débrouiller toute seule. « J’attends l’arrivée d’un nouveau train, qui soit au même niveau que le quai« , dit-elle. « C’est pour ça que quand j’arrive à la gare, j’attends parfois un passage, deux passages, trois passages de train, parce que généralement, ce sont des vieux trains« . Cet après-midi-là, la deuxième rame est la bonne. Lorsque les portes s’ouvrent, la jeune femme soulève légèrement les roulettes de son fauteuil et entre dans le train avec l’aisance que donne l’habitude de la manœuvre.
A l’arrêt en raison de travaux
Deux arrêts plus tard, elle descend du train et quitte facilement la gare. Mais, à l’arrêt du tramway qu’elle doit prendre, un panneau indique qu’il ne circule pas en raison de travaux. « J’ai l’habitude« , sourit-elle. Au lieu d’utiliser le bus de remplacement, la sportive décide de continuer son trajet en fauteuil roulant jusqu’au gymnase où s’entraîne son équipe, le Paris Basket Fauteuil, à une dizaine de minutes de là. « Pour aller à mon entraînement, normalement c’est 20 minutes de trajet. Mais comme je ne sais pas vraiment si les trains sont des vieux ou des nouveaux, je sors une heure avant de chez moi », témoigne-t-elle.
Paris consciente du défi
A quelques mètres du gymnase, un stade en construction accueillera diverses épreuves des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. « On voit qu’ils font des efforts pour bien organiser les Jeux de Paris. Ce serait bien qu’ils se concentrent aussi sur les transports, pour que les personnes handicapées puissent venir aux JO et se déplacer librement« , poursuit Manel. Pierre Rabadan, adjoint à la Maire de Paris en charge des Jeux olympiques et paralympiques, est très conscient du défi : « On sait qu’on n’a pas un réseau qui est 100 % accessible. On sait, par la vieillesse du réseau et sa complexité dans une ville patrimoniale comme Paris, que même avec la meilleure volonté du monde, on n’aurait pas pu en six ou sept ans rendre toutes les stations accessibles« .
A la place, des taxis…
Même si un gros travail a déjà été fait en région parisienne, avec le réseau bus parisien, les lignes de tramway et les gares RER A et B, ainsi que la ligne 14 du métro déjà accessibles à 100 %. Pour les Jeux, un système de navettes est prévu entre les gares parisiennes et les sites, que les spectateurs en fauteuil roulant pourront réserver à l’avance, ainsi qu’une augmentation de la flotte de taxis adaptés. « C’est une bonne idée. Ça ne pourra pas répondre à toutes les situations, mais ça répondra à une bonne partie (…) Le dispositif devra être à la hauteur des enjeux, parce qu’autrement un certain nombre de personnes vont se retrouver en difficulté« , met toutefois en garde Patrice Tripoteau, directeur adjoint d’APF France Handicap.
Au menu de la Conférence nationale du handicap
Le Conseil de l’Europe a pointé ce mois-ci plusieurs manquements en matière de respect des droits des personnes handicapées en France, citant entre autres l’inaccessibilité des moyens de transport. Le 26 avril 2023, le président Emmanuel Macron présidait la 6e Conférence nationale sur le handicap (CNH) , au cours de laquelle associations, institutions et gouvernement ont débattu des politiques publiques sur le handicap. Parmi les 70 mesures annoncées (Lire : CNH 2023 à l’Elysée : les annonces handicap de E. Macron), certaines concernent le transport. Emmanuel Macron entend faire de l’accessibilité une « priorité nationale« . Il a annoncé que l’Etat allait consacrer un milliard et demi d’euros au renforcement de l’accessibilité des lieux publics (Lire : Macron : l’Etat va consacrer 1,5 milliard à l’accessibilité). L’État s’engage à achever d’ici 2027 le lancement de la mise en accessibilité de toutes les gares prioritaires nationales. Il engage aux côtés des parties prenantes la mise en accessibilité partielle des métros historiques mais sur le volet de l’accessibilité sonore et visuelle. Un plan d’amélioration de la qualité de service et d’assistance pour les voyageurs, notamment dans le transport aérien et ferroviaire, est lancé avec les opérateurs de transports.
© Capture d’écran vidéo YouTube France 24
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