Réforme pension invalidité:jusqu’à 1200 € de perte par mois

mai 11, 2023 / Comments (0)

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« Rien ne bouge dans ce scandale social qui touche les plus fragiles », se désespèrent « Les oubliés de la réforme 2022-257 ». 1 200 euros de perte en moyenne par mois pour certains pensionnés d’invalidité… Un sondage révèle l’étendue des dégâts.

« Travailler moins pour gagner plus », c’est un peu la dure réalité de milliers de pensionnés d’invalidité depuis novembre 2022. « Dure réalité » car ils vont devoir réduire ou cesser leur activité à cause d’une réforme. Nom de code : décret 2022-257 du 23 février 2022 (dont les règles ont été précisées le 1er décembre 2022 avec un effet rétroactif au 1er avril 2022). Tout partait d’une bonne intention, favoriser l’emploi des personnes en invalidité. Mais, parce que le diable se niche dans les détails, un nouveau mode de calcul de la pension d’invalidité (PI) lorsqu’elle est cumulée avec une activité professionnelle pénalise maintenant ceux qui dépassent le PASS (plafond de la Sécurité sociale), soit, tout compris (pension brute + salaire brut partiel), 43 992 euros par an en 2023 (2 700 euros net par mois). Ainsi, les personnes dont les ressources sont supérieures à ce montant se voient privées de tout ou partie de leur pension. Auparavant, il ne fallait pas que le cumul PI + salaire ou équivalent (Allocation de retour à l’emploi (ARE), Indemnité journalière de Sécurité sociale (IJSS) suite à un arrêt maladie) dépasse l’ancien salaire. Désormais, donc, pour maintenir le montant de sa pension d’invalidité, pas d’autre choix que de réduire son temps de travail, ce qui entraîne des pertes de ressources importantes. Pour bien comprendre cette problématique complexe, Handicap.fr a publié plusieurs articles (en lien ci-dessous).

Un collectif mène l’enquête

Sur ce sujet brûlant, la Fnath (Fédération des accidentés de la vie) est aussitôt montée au créneau. France assos santé s’en est, elle aussi, emparée tandis qu’un collectif militant, « Les oubliés de la réforme 2022-257 », a vu le jour. Son credo : « Tu prends ma pension, prends aussi mon handicap ». Actif sur Facebook, ce dernier réunit à ce jour 900 membres mais estime à 10 000 (peut-être même 12 000) le nombre de pensionnés lésés (la Direction de la Sécurité sociale estimait leur nombre à 7 812 fin 2022). Sa pétition en ligne a déjà recueilli plus de 20 000 signatures. Malgré les alertes répétées, au gouvernement, aux députés, rien ne bouge depuis des mois, plongeant les personnes lésées dans une grande précarité et surtout une immense détresse. « Avec le PASS à ne pas dépasser, un malade/handicapé en invalidité ne peut pas avoir une rémunération à la hauteur de ses talents, de son niveau d’études, de ses compétences professionnelles… », s’indigne ce collectif. Pour attester de cette « situation aussi ubuesque que dramatique », il a décidé de dresser, avec cinq mois de recul, un état des lieux qui analyse, à partir des remontées du terrain, les impacts concrets de cette réforme. Menée auprès d’un échantillon de 130 à 150 personnes selon les items, cette enquête de 50 pages est publiée le 10 mai 2023. A noter que si cette mesure impacte surtout les personnes ayant de bons revenus, ce qui est confirmé dans ce sondage puisque 85 % ont le statut de cadre, elle peut aussi avoir des effets sur les salaires en dessous du PASS, ce que nous verrons plus bas.

Des ressources amputées

Les pensionnés impactés verraient ainsi leurs ressources amputées de 30 à 70 % du jour au lendemain, sans que rien n’ait été annoncé. En détail : 20 % perdent moins de 500 euros par mois de PI, 40 % entre 500 et 1 000 et 40 % plus de 1 000. Ce plafond du PASS est même appliqué pour les indemnités de licenciement, entraînant la suspension de la pension d’invalidité durant un an puisque ce sont les ressources sur douze mois glissants qui sont désormais prises en compte. Pour 40 % des sondés, il y a une « perte totale de la pension d’invalidité », avec des effets par ricochet particulièrement désastreux, à trois niveaux. Tout d’abord, cette mesure peut impacter les assurances supplémentaires, dites « rentes de prévoyance », qui tombent à zéro lorsque la pension d’invalidité est à zéro (cela dépend des contrats et des caisses de prévoyance). Le collectif estime alors les pertes financières cumulées (PI + prévoyance) à 1 200 euros brut en moyenne par mois. De même, les points et trimestres retraites (de base et complémentaire) en invalidité sont perdus. Enfin, les emprunts ne sont plus pris en charge par les compagnies d’assurances en cas de pension à zéro. La « triple peine », selon le collectif.

Un mauvais calcul pour toutes les parties puisque ce dernier estime que « si 60 à 70 % des invalides impactés par ce décret réduisent leur activité ou arrêtent de travailler, l’Etat perd plus de 11 millions d’euros de cotisations par mois ! ». « Tout ça pour ça ? », se désole ce collectif pour qui il semble « difficile de croire qu’une étude d’impact ait été faite avant la mise en œuvre de cette réforme ». Selon lui, « les effets mentionnés étaient faciles à anticiper ».

Impact sur la santé

L’enquête explore bien plus que le seul volet financier et révèle également des « effets délétères sur la santé des pensionnés », avec de « légitimes inquiétudes quant à l’avenir et de l’anxiété, qui viennent aggraver un état déjà précaire ». D’autant que l’information peine à circuler, avec, selon le collectif, des « réponses inquiétantes des Caisses primaires d’assurances maladie (CPAM) » car les « services d’invalidité sont, hélas, souvent mal formés, au point de ne pas toujours être au courant de cette réforme ! ». Alors, quelle solution pour parer à l’urgence ? Travailler plus pour compenser la perte de pension ? Pour le collectif, cette réponse ne souffre d’aucune ambiguïté, pour une « raison simple », « il n’est tout simplement pas médicalement possible de demander plus aux personnes invalides sans affecter leur santé ». Les employeurs seraient, eux aussi, particulièrement « démunis » puisque des salariés compétents se mettent en arrêt maladie, réduisent leur temps de travail ou quittent leur emploi. « La situation est d’autant plus délicate que, pour percevoir de nouveau sa pension, il faut réduire sa quotité de travail durant un an », poursuit le collectif.

« Nous sommes à bout, nous ne pouvons plus vivre décemment, payer nos loyers et les études de nos enfants et, ce, du jour au lendemain », se désespèrent ses membres, déplorant, à travers cette « mesure bloquante », une « mise au ban du monde professionnel », certains ayant déjà dû quitter leur emploi. Le collectif affirme, en outre, « n’avoir pas eu vent d’éléments statistiques concrets et réels relatifs aux potentiels gagnants de cette réforme ». Il alerte également sur le fait qu’il existe un risque pour les pensionnés dont les ressources sont en dessous du PASS d’être, eux aussi, impactés, par exemple si leur employeur leur verse une prime exceptionnelle. « A ce stade, nous ne voyons qu’une seule motivation à la réforme : tenter d’économiser sur une prestation qui, rappelons-le, est contributive et non sociale et est donc due puisque les pensionnés ont cotisé à hauteur de leur salaire ». Le collectif réclame donc la suppression de ce plafonnement de ressources et le retour à une comparaison des revenus sur une base de deux trimestres consécutifs, en abandonnant les douze mois glissants instaurés par ce décret.

Un rendez-vous mi-mai ?

Il peut compter sur le soutien de 63 députés et sénateurs, dont Philippe Mouiller, président du groupe Handicap au Sénat, et une vingtaine de parlementaires de la majorité, qui exigent un réexamen urgent de ce dispositif. Le Medef (Mouvement des entreprises de France) a, lui aussi, été alerté. Pourtant, du côté des pouvoirs publics, l’attentisme, voire l’immobilisme, s’éternise… Le collectif a adressé un courrier à Emmanuel Macron, avec copie au Défenseur des droits (DDD). Une réunion « serait » prévue mi-mai 2023 avec le cabinet de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, mais sans qu’aucune date sur la rédaction d’un décret modificatif ne soit fixée. De son côté, la Fnath a déposé un recours auprès du Conseil d’état le 25 janvier 2023, soutenu par le DDD. « Evidemment, l’idéal aurait été que toutes les associations se fédèrent autour de cette problématique », conclut le collectif, qui déplore un « scandale social qui touche les plus fragiles ».

Toute personne concernée peut rejoindre le groupe « Les oubliés de la réforme 2022-257 » via ce lien. Il est privé mais il suffit de faire une demande pour l’intégrer. Il comprend également des assistantes sociales, des membres des CPAM qui, de leur aveu, « n’y comprennent rien à cette réforme » !

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