Retraite, prêt, rente : réforme invalidité, autres dommages!

mai 13, 2023 / Comments (0)

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La réforme du calcul de la pension d’invalidité de 2022 est un coup dur pour des milliers de pensionnés en emploi, qui voient leurs ressources diminuer, mais elle impacte aussi d’autres domaines : rente prévoyance, assurances de prêt et retraite.

Depuis le 1er décembre 2022, une mesure sème la panique dans les rangs de certains pensionnés d’invalidité qui occupent un emploi, sujet que Handicap.fr a traité à plusieurs reprises (articles en lien ci-dessous). Pour résumer, le décret 2022-257 du 23 février 2022 a modifié le mode de calcul de la pension d’invalidité (PI) lorsqu’elle est cumulée avec une activité professionnelle. Objectif initial ? Favoriser l’emploi des personnes invalides. Et pourtant…

8 000 oubliés de la réforme

Si elle compte faire environ 60 000 gagnants « potentiels » (estimation avancée par Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, devant le Sénat), cette réforme va aussi compter plus de 8 000 perdants (peut-être même 10 ou 12 000). Qui sont-ils ? Ceux dont le montant « pension brute théorique + salaire brut partiel » dépassent le PASS (plafond de la Sécurité sociale). Un collectif s’est créé sur Facebook, « Les oubliés de la réforme 2022-257 », pour défendre les droits des personnes lésées. Celles dont les ressources sont supérieures à ce montant se voient, en effet, privées d’une partie de leur pension versée par la Sécurité sociale. D’autres la perdent totalement ! Et c’est pour ces dernières, estimées à 40 % des pensionnés concernés (selon l’extrapolation suite à l’enquête du collectif publiée en mai 2023, Lire : Réforme pension invalidité : jusqu’à 1200 € de perte par mois), que les dommages collatéraux sont amplifiés. Car, avec 0 de pension, ce sont d’autres droits qui disparaissent ! Le collectif alerte sur les conséquences pour ce public avec des « effets par ricochet », sur trois versants. Explications…

Les assurances prévoyances volatilisées

Tout d’abord, les assurances complémentaires, dites « rentes de prévoyance ». Ce sont elles qui viennent en complément de la pension d’invalidité de la Sécu, avec des montants souvent très supérieurs, permettant d’atteindre jusqu’à 100 % du dernier revenu d’activité perçu. Elles sont souscrites, de manière facultative, par le salarié (contrat individuel) ou l’employeur (contrat collectif) auprès de groupes (mutuelle, assureur, institution de prévoyance) comme Axa, Malakoff Humanis, Vyv…

Or la majorité des contrats excluent expressément le versement d’une rente complémentaire en l’absence de versement effectif d’une pension par la Sécurité sociale. Concrètement, si pension = 0, complémentaire = 0. « Rares sont ceux qui ont pu conserver leurs droits. Or ces salariés et leur entreprise ont cotisé pour bénéficier de cette couverture », déplore le collectif, qui observe parmi ses membres des « situations critiques car les charges générales du foyer restent identiques ». Les retours de l’enquête font état d’une perte financière cumulée (PI + prévoyance) de 1 200 euros brut en moyenne par mois.

Des solutions temporaires

Le ministère délégué aux Personnes handicapées a convié les organismes de prévoyance afin d’évoquer avec eux ce désengagement, les encourageant à continuer à verser ces compléments, en attendant qu’une solution soit trouvée. Au sein du collectif, des groupes d’entraide se sont constitués par caisse de prévoyance pour tenter de leur faire entendre raison. Résultat de cette mobilisation ? « 5 à 10 % acceptent de faire des efforts, et encore, pas toujours sur l’intégralité de la somme et de manière temporaire (dans le meilleur des cas jusqu’à fin 2023), en espérant le décret rectificatif » mais « cela dépend des groupes de protection, et il faut se battre au coup par coup car les conditions sont différentes d’un organisme à l’autre, et même, au sein d’un même organisme, d’un contrat d’entreprise à l’autre ». Pour le reste, ils ont annulé « purement et simplement » le versement de la rente. Dans d’autres cas, la prévoyance diminue si la pension d’invalidité est abaissée, ce qui est « ubuesque », selon le collectif.

« Le travail chevillé au corps »

« Cette situation est totalement contradictoire avec l’esprit initial de la loi », s’indigne le collectif qui s’est créé car « ses membres, à 85 % des cadres, ont la valeur travail chevillée au corps ». Quelle option pour retrouver l’intégralité de leurs ressources via la prévoyance ? Diminuer ou arrêter leur activité ! Marie, en catégorie 1 d’invalidité depuis sept mois, témoigne qu’elle pourrait ainsi récupérer 100 % de son ancien salaire en travaillant moins. C’est 90 % pour les personnes en catégorie 2 qui cesseraient totalement leur emploi. « Mais que va-t-il se passer si je dis à mon patron que je ne travaille qu’une journée par semaine ? Il n’a aucun intérêt à me garder et je risque le licenciement », explique-t-elle, ajoutant que, « dans ce cas, ce sont les caisses de prévoyance qui devront mettre la main au porte-monnaie pour compenser les salaires non-perçus ». « Un non-sens abyssal », selon elle.

Les assurances au crédit non assurées !

Deuxième impact, les assurances de prêt, notamment immobiliers ou véhicules, qui garantissent le remboursement des échéances en cas de décès, de perte d’autonomie, d’invalidité, d’incapacité temporaire de travail. Ils ne sont, à leur tour, plus pris en charge par les compagnies d’assurances en cas de pension d’invalidité Sécu à zéro. Cela impacte surtout les IPP de catégorie 1 (Capacité réduite aux 2/3 ou 66 % avec possibilité d’exercer son métier). Mais pas que… les catégories 2 peuvent également être concernées. Le collectif consent que, sur ce volet, peu de ses membres sont concernés au motif que « peu de personnes invalides ont accès au crédit ». Pour autant, « Les assureurs profitent de cette aubaine pour faire des économies », s’indigne-t-il. Or aucune démarche ne serait en cours avec le secteur, selon lui.

Perte des points de retraite

Enfin, le troisième effet porte sur les points et trimestres retraites (de base et complémentaire) en invalidité qui sont pris en compte dans la durée d’assurance et permettent de valider des trimestres bien utiles pour le calcul de la retraite. Or il est bien précisé dans l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 relatif au régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire que, pour en bénéficier, la personne doit être titulaire auprès des régimes d’Assurance maladie d’une « pension d’invalidité ». Et « l’attribution de droits cesse lorsque le participant cesse de (la) percevoir ». Avec ce nouveau système, ce bénéfice serait donc perdu. « On tire sur l’ambulance, conclut le collectif, à la fois en sucrant les pensions de ceux qui ont le mérite de poursuivre leur activité et en les pénalisant au niveau de la retraite alors même qu’on sait que ce public a une espérance de vie réduite par rapport à la population générale, à cause de leur état de santé mais aussi de traitements chroniques parfois lourds. On les bouscule un peu plus alors qu’ils sont déjà fragilisés. »

Et maintenant ?

Avec le soutien d’une soixantaine de parlementaires, de la Fnath et de France Assos santé, ce collectif d’oubliés a adressé un courrier à Emmanuel Macron, avec copie au Défenseur des droits dans lequel il réclame l’abrogation de cette mesure. Une réunion « serait » prévue mi-mai 2023 avec le cabinet de Geneviève Darrieussecq mais sans qu’aucune date sur la rédaction d’un décret modificatif ne soit fixée.

Toute personne concernée peut rejoindre le groupe « Les oubliés de la réforme 2022-257 ». Il est privé mais il suffit de faire une demande pour l’intégrer.

« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal’Secco, journaliste Handicap.fr »

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