des pensionnés invisibles et à bout

septembre 20, 2023 / Comments (0)

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« J’arrive plus à faire face… Trop dur pour moi.  » La réforme de la pension d’invalidité, ce sont des milliers de pensionnés lésés et, derrière les chiffres, des vies qui basculent. Un Collectif dédié déplore le mutisme du gouvernement.

« Pour moi là. j’arrive plus à faire face…. trop dur pour moi… fini, jettresjettf..me te MM zn….. j’ai je??? en peu d’id… » C’est le propos nébuleux laissé en septembre 2023 sur le groupe WhatsApp du « Collectif des Oubliés de la réforme 2022-257 ». Ce message préoccupant de Clara (le prénom a été changé) ressemble à un cri de désespoir. A-t-elle avalé des médicaments ? Clara est l’une des pensionnés d’invalidité victime de cette réforme datant du 23 février 2022 qui, censée favoriser le cumul invalidité/emploi, lèse en réalité des milliers de pensionnés.

Une réforme pénalisante

Pour résumé, ce nouveau mode de calcul fixe un plafond de ressources à ne pas dépasser pour percevoir une pension d’invalidité. Il ne s’agit pas, ici, de revenir en détail sur cet imbroglio complexe (pour en savoir plus, lire nos articles, liens en bas de page) mais, plutôt que d’aligner des chiffres, d’apporter un éclairage humain sur cette discrimination. Depuis des mois, ce Collectif alerte toutes les instances, le président de la République, les ministres concernés, des députés, le Défenseur des droits… Sous la pression des associations, un décret rectificatif (2023-684 du 28 juillet 2023) a permis d’alléger un peu les tensions mais pas suffisamment, ils sont encore des milliers sur le carreau (Lire : Pension d’invalidité et emploi : le décret qui déçoit!). Depuis, le gouvernement fait la sourde oreille face à la situation de ces « trop bien lotis » qui, rappelons-le, ont tout de même cotisé pour cette pension à hauteur de leur salaire. Le 20 septembre 2023, onze ministres sont réunis autour d’Elisabeth Borne pour un Comité interministériel du handicap (Lire : Un Comité interministériel du handicap le 20 septembre 2023). Pour le Collectif, c’est l’occasion de les interpeller afin de mettre en lumière ces vies qui se délitent…

« Nous pouvons tous craquer »

Finalement, Clara va bien. Mais Clara est à bout. Proche de la retraite, elle se sent blessée par le manque de reconnaissance sociale ressentie par la suspension de sa pension. Pour elle, comme pour d’autres, ce décret est lecombat de trop. Les effets collatéraux sont nombreux et le préjudice n’est pas seulement économique, il est aussi psychologique. Il les place dans un état d’incertitude, d’anxiété, avec parfois l’envie de jeter l’éponge. Des membres du groupe préoccupés par son SOS lui répondent : « Vous n’êtes pas responsables de cette situation terriblement injuste. Nous pouvons tous craquer » ; « On traverse tous la même purée de pois » ; « Malheureusement, nous en sommes tous là avec des idées noires, je crains depuis longtemps un passage à l’acte d’un membre de notre groupe ». Faut-il attendre un drame ? « Qui est peut-être déjà arrivé sans que nous le sachions », redoute le collectif. Qui sont-ils ces pensionnés lésés qui ont pourtant à cœur de travailler et vivent cette réduction ou suspension comme une grande injustice ? Ils ont souhaité parler…

Fred : « Ce n’est pas le Sida qui va me tuer ! »

Le témoignage de Fred recueilli par Libération le 4 avril 2023 sous le titre « Handicap : ce n’est pas le sida qui va me tuer mais les économies sur la santé des plus fragiles » est poignant. Il livre son désarroi : « Mon quotidien est un enfer, je suis plutôt combatif mais, là, je craque, depuis décembre je ne perçois plus de pension d’invalidité. Ma situation financière est catastrophique et cela impacte mon moral. Je ne peux plus vivre dignement de mon travail et je subis le mépris du gouvernement ».

Martine : sa pension à la trappe !

Suite à un BAC +4 validé à l’European business school de Londres, trois langues étrangères, Martine a pris, en 2005, la direction d’une plateforme de transport et de logistique internationaux. Quand la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) la met en invalidité 1, après un an de mi-temps thérapeutique (le 7 juillet 2021), elle perd 30 % de son salaire. A la suite du décret 2022-257, elle perd sa pension d’invalidité d’environ 930 euros nets par mois. Avec le PASS (Plafond annuel de la sécurité sociale) qui passe à 1,5 (après décret rectificatif du 28 juillet 2023), rien ne change. « J’ai une prime au mois de décembre et une prime sur marge nette avant impôts en mai. Le calcul sur douze mois glissants (ndlr : introduit par cette réforme) me pénalise donc ad vitam aeternam car, à chaque prime versée, j’en prends pour un an », explique-t-elle.

Evelyne, obligée de réduire son activité

Si elle veut à nouveau percevoir sa pension d’invalidité, Evelyne est contrainte de réduire son temps de travail afin de ne pas dépasser le PASS, ce qui revient, selon elle, « à travailler moins pour gagner plus ! ». Par ailleurs, elle ne peut pas moduler sa quotité de travail en fonction de son état de santé, du fait de la comparaison sur douze mois et non plus au trimestre. « Malheureusement, le pacte de la vie au travail, c’est par pour moi ! », déclare-t-elle.

Isabelle, qualifiée et fortement pénalisée

Les personnes les plus qualifiées sont fortement pénalisées. C’est le cas d’Isabelle qui se demande pourquoi un cadre en invalidité ne pourrait pas reprendre une activité adaptée à son état de santé et avoir des revenus supérieurs au PASS (2 700 euros nets avant impôts) ? Elle ajoute que « pour percevoir sa pension d’invalidité et sa prévoyance, on pousse la personne à réduire ou arrêter son activité alors que les entreprises font face à une pénurie de qualification ».

Floriane refuse une augmentation

Floriane, de son côté, fait part de son écœurement : « Mon employeur voulait me donner une augmentation et je lui ai dit que ça ne me servait à rien, sauf à me priver définitivement de ma pension d’invalidité. Je suis dégoûtée, avec tous les efforts que je fais pour travailler. Comme si la maladie ne suffisait pas ! ».

Des perdants sous-évalués ?

Le Collectif dénonce un « véritable acharnement pour des personnes avec une maladie invalidante qui font pourtant l’effort de travailler à temps réduit ». Parce que l’estimation des perdants semblait sous-évaluée, il a compulsé un document d’une trentaine de pages qui dissèque minutieusement tous les chiffres, rendu public en septembre 2023. Si 7 812 perdants sont annoncés par le gouvernement, ils seraient, selon les calculs du collectif, plus de 25 000 sur les 250 000 pensionnés qui exercent une activité.

Il déplore que, dans le champ du handicap, les titulaires d’une pension d’invalidité soient « vraiment les parents pauvres, les invisibles ». Alors, à l’heure où le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) renouvelle ses membres pour son mandat 2023-2026, avec la volonté affirmée de donner la parole aux personnes handicapées, le Collectif alerte son président, Jérémie Boroy, pour qu’un représentant des « invalides » puisse siéger dans ce conseil. On dénombre 800 000 personnes en invalidité en France. Des voix qui méritent de compter !

« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal’Secco, journaliste Handicap.fr »

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