La Ciivise reprend ses travaux en faveur des enfants victimes de violences sexuelles. Marie Rabatel poursuit son combat pour défendre ceux en situation de handicap. Sa priorité : tout mettre en œuvre pour faciliter la parole de ces victimes.
La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants à la trappe ? Après avoir fait le job durant trois ans, établissant un état des lieux des violences sexuelles faites aux enfants en France, les membres de la Ciivise redoutaient qu’elle ne soit dissoute après la remise de son rapport final en novembre 2023 (Lire : Ciivise: les enfants handicapés face aux violences sexuelles). « Supprimer la Ciivise, c’est renvoyer les victimes au silence et condamner les prochaines », titrait une tribune publiée dans Le Monde. La mobilisation a été entendue par le président de la République qui, en 2021, avait installé cette commission par ces mots : « On est là. On vous écoute. On vous croit. ». Auxquels, la Ciivise 2 ajoute « on vous protège, on vous accompagne ».
La nouvelle équipe
Le 6 février 2024, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, présente la nouvelle équipe, composée de 40 membres (contre 30 pour la commission précédente) qui va ainsi poursuivre ses travaux. C’est Sébastien Boueilh, fondateur de l’association Colosse aux Pieds d’Argile, et Caroline Rey-Salmon, pédiatre et médecin légiste, qui prennent le relais de la présidence d’Edouard Durand.
Marie Rabatel : sa bataille pour le handicap
Marie Rabatel signe pour un second mandat. Cette passionaria, présidente de l’Association francophone de femmes autistes (AFFA), elle-même victime d’un viol qu’elle dénonce dans le documentaire Cassée debout (Lire : Docu Marie Rabatel : plein phare sur les violences sexuelles) a fait de la violence faite aux enfants en situation de handicap son credo. Trois ans « épuisants » à batailler pour qu’on ne les oublie pas. Dans cet acte 2, elle va bénéficier du renfort d’un binôme : Roland Dysli (AIRe, association des ITEP) et son suppléant. « Mais d’autres membres sont maintenant sensibilisés et, faut-il l’espérer, tiendront compte de ce public dans leurs travaux », insiste-t-elle.
Des débuts compliqués
Selon elle, « les trois années passées ont permis d’installer une politique différente dans la prise en compte du handicap ». Les débuts furent « compliqués » pour faire comprendre qu’on « ne pouvait pas mettre les enfants handicapés de côté en en faisant une spécificité alors qu’ils sont cinq fois plus victimes de violences sexuelles que les autres ». « Cela a permis de changer la façon de penser et, aujourd’hui, c’est un sujet qui n’est plus à la marge », poursuit-elle.
Priorité aux outils de communication
Et maintenant ? Quels sont les enjeux à venir ? Marie Rabatel entend aider à l’adoption de dispositifs facilitant l’écoute des plus vulnérables, surtout ceux ayant des difficultés d’accès à la parole. Cela passe par la mise à disposition de chacun d’un outil de Communication alternative améliorée ou CAA (Lire : CAA : des solutions pour s’exprimer en cas de handicap ?), que ce soit en institution ou au domicile. Ce peut être des gestes, symboles, pictogrammes, tablettes, synthèses vocales, logiciels ludiques…
Son deuxième engagement porte sur l’amélioration du traitement judiciaire de la parole des victimes de violences sexuelles pour garantir en premier lieu le respect des engagements internationaux de la France, en commençant par l’intérêt supérieur de l’enfant.
Revoir l’amendement Creton
Elle attend également une réflexion sur l’amendement Creton qui, faute de places, permet de maintenir des jeunes adultes dans des établissements pour enfants. « Parfois, des petits de six ans cohabitent avec des adultes, nous avons le devoir de les protéger. Il ne s’agit pas de renoncer à ce système mais de l’améliorer en prenant toutes les précautions nécessaires ».
Protéger les lanceurs d’alerte
Selon Marie Rabatel, il y a également « un gros travail à faire sur les lanceurs d’alerte du médico-social » car même si une loi existe depuis 2017 avec l’obligation de signaler tout dysfonctionnement grave qui menace la santé, la sécurité ou le bien-être des personnes prises en charge (Lire : Maltraitance : les personnes handicapées mieux protégées ?), « sur le terrain, c’est autre chose ». « De nombreux professionnels se taisent car ils craignent les représailles de leur direction », assure-t-elle.
Une nomination en attente !
Une première réunion de la Ciivise a eu lieu le 5 février 2024, avec des préconisations « à chaud ». Dans l’attente de la nomination d’une deuxième partie des membres du gouvernement, la commission appelle à la nomination a minima d’un secrétaire d’Etat dédié à l’Enfance, succédant ainsi à Adrien Taquet et Charlotte Caubel. Sera-t-elle entendue ?
Des millions de victimes
L’engagement de la Ciivise avait permis, selon Catherine Vautrin, « de mesurer l’ampleur du phénomène dans notre société et a révélé que des millions de nos concitoyens ont été exposés à des violences sexuelles dans leur minorité » et surtout de faire des recommandations. « La moitié sont déjà adoptées ou en cours de mise en œuvre et les ministres ont saisi les inspections pour en approfondir certaines », affirme la ministre qui se dit plus que jamais « engagée à briser le silence ».
La nouvelle feuille de route fixe plusieurs impératifs, notamment maintenir la dynamique de lutte contre ces violences et améliorer le repérage précoce, via notamment la désignation d’une mission d’inspection interministérielle et la pérennisation d’un point d’écoute unique pour les victimes.
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal’Secco, journaliste Handicap.fr »
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