Le carton d’Artus, « Un pt’it truc en plus », a diverti 4 millions de Français mais interroge aussi sur les contours des vacances adaptées… et ses limites. Faut-il y voir un entre-soi critiquable ? A la veille de l’été, une association répond…
Handicap.fr : Avez-vous vu le film d’Artus ? Vous semble-t-il fidèle à la réalité des vacances adaptées ?
Jackie Vagnoni, président de Paralysie cérébrale France : Je ne peux pas faire de généralités, je ne parlerais pas de fidélité à une réalité, mais il ressemble pour partie à des vacances adaptées. Il me semble, quand même, que la majorité a envie de mer, d’eau en tout cas. Ce qui est le cas dans le film quand tous décident de faire une excursion en canoë.
H.fr : Si ce film, qui a réuni à ce jour 4 millions de spectateurs, semble faire l’unanimité, des voix s’élèvent aussi pour dénoncer certaines situations « exclusives », « une fable pour garder les yeux fermés » et tout d’abord le fait que ce séjour ne rassemble QUE des personnes en situation de handicap…
JV : C’est d’abord un film, une comédie drôle et émouvante, il faut en accepter les raccourcis. C’est plus complexe que ces sempiternels reproches. Le « vrai Sylvain en situation de handicap » (joué par Benjamin Vandewalle) qui se trompe de groupe vit des vacances totalement « inclusives », la mixité est totale, aucun des autres vacanciers ne s’en rend compte. Effectivement, les vacances pourraient ressembler à celles-là. Mais la situation est basée sur un quiproquo et les propositions faites à Sylvain sont en dehors de son contrôle.
Le « faux Sylvain (Artus) qui joue à la personne en situation de handicap et ne l’est pas » apporte le changement dans le groupe, un autre regard sur les personnes et perturbe le programme des éducateurs. C’est un médiateur qui vient de l’extérieur. Par exemple, il facilite le rapprochement intime entre deux personnes, contre l’avis de l’éducatrice. ORPI (Clovis Cornillac), dans son style, permet à un jeune de progresser dans le football. C’est finalement un groupe mixte. Ce qui apparaît particulièrement « exclusif », ce sont les préjugés classiques, notamment portés par ORPI.
H.fr : Dans ce film, les vacanciers sont isolés, au bout d’une route… Est-ce le prolongement au grand air de l’institutionnalisation dénoncée de toutes parts ?
JV : Oui, bien sûr, on peut le voir comme cela. L’entre-soi n’est jamais sain. Mais, si on va plus loin, on peut aussi noter que, dans certains débats, c’est l’entre-soi contre l’entre-soi, où seules les personnes handicapées sont acceptées.
Donc je ne sais pas si Artus, le réalisateur, a voulu dénoncer cet isolement. Encore une fois, l’irruption de ces deux braqueurs change la donne. Ce sont eux qui sont moteurs dans les demandes de changement des personnes accompagnées, par exemple pour les repas et les sorties. On peut donc lire ce film comme une transformation du mode d’accompagnement, plus ouvert sur l’extérieur (l’excursion), plus personnalisé en prenant en compte les aspirations de chacun (les amoureux, le footballeur). L’institutionnalisation n’est, après tout, que des murs. Il faut les pousser.
H.fr : Les repas servis durant le séjour sont abjects, est-ce un hasard ?
JV : Est-ce pour montrer le peu de cas que l’on fait de ces personnes ? Le peu de qualité que l’on met dans leur vie ? L’absence de dignité ? C’est finalement les personnes accompagnées elles-mêmes qui finissent par cuisiner. Le message est peut-être le suivant : c’est à elles de s’emparer mieux et plus de leur quotidien.
H.fr : Que pensez-vous du comportement des éducatrices ?
JV : Leur vocation semble floue, manque de sens profond ou professionnel. Pour l’une, par exemple, c’est le sentiment de vivre dans une famille. On peut le lire, une fois encore, comme une critique du milieu médico-social.
H.fr : Alors à quoi ressembleraient les vacances idéales ?
JV : C’est d’abord un logement qui est adapté, spacieux, confortable. Il faut que la vie à l’intérieur soit facile. Et, bien sûr, que les sites soient accessibles. Ce peut être un groupe, pas trop nombreux, trois à quatre, homogène en termes de situation de handicap. Ce sont aussi des vacances en famille qui permettent des activités tous ensemble. On pense également à celles qui ont un enfant handicapé dans la fratrie ; un centre de loisirs qui accueille un public mixte est appréciable.
H.fr : Quels sont les freins actuels pour des vacances plus inclusives, par exemple avec le public de personnes avec paralysie cérébrale ?
JV : C’est une question d’offre, en nombre et accessible, et de coût car les prix ont explosé. Il est difficile aussi de bénéficier d’accompagnants, la crise en ressources humaines se fait fortement ressentir durant les vacances.
H.fr : Dans le film, les protagonistes semblent épanouis. Quels sont les bénéfices de ces séjours ?
JV : C’est changer de décor, vivre à un autre rythme, faire des rencontres, des découvertes, revenir enrichi.
© Un p’tit truc en plus/Unifrance.org
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