Comment « mieux accueillir » les élèves handicapés à l’école ? La perspective de donner davantage la main aux enseignants, via le déploiement de pôles d’appui à la scolarité, à la rentrée suscite une certaine méfiance des familles et des associations.
Par Catherine Fay-de-Lestrac
Le gouvernement a annoncé en mai la mise en place à la rentrée de pôles d’appui à la scolarité (PAS) dans les établissements scolaires. Constitués d’un « enseignant référent » et d’un « éducateur spécialisé », ils évalueront le handicap et mettront à disposition de l’élève des aides techniques.
4 départements avant une généralisation
Malgré la dissolution surprise de l’Assemblée et l’incertitude pesant sur la composition de l’exécutif après le 7 juillet, cette mise en oeuvre progressive reste d’actualité. Les PAS pourront être déployés par circulaire dans quatre départements à la rentrée, avant une loi pour les généraliser, selon le ministère des Personnes handicapées. L’objectif affiché est d’accueillir « mieux » après avoir insisté ces dernières années sur le nombre : 470 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés à l’école ordinaire (+46% depuis 2017).
Réduire les délais d’attente
Les PAS « vont apporter des solutions concrètes, de façon plus souple, aux familles et au corps enseignant », dit une source gouvernementale. Actuellement, les parents doivent constituer un dossier médical et l’envoyer à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui reconnaît administrativement le handicap et détermine les aides nécessaires. Un parcours du combattant coûteux -les examens réalisés par des praticiens libéraux coûtent cher- et lent : le temps que la réponse arrive, les enfants perdent un an de scolarité, argue le gouvernement.
Matériel adapté et intervention de pro dans l’école
Les pôles envisagés dans les établissements scolaires pourront attribuer du matériel adapté (tablette braille, ordinateur, etc), sans attendre de notification de la MDPH. Ils pourront aussi déclencher des interventions dans l’école de professionnels (ergothérapeutes, orthophonistes, etc), y compris libéraux, sur le temps scolaire, avec l’accord des parents. Les associations saluent ce qui devrait simplifier le quotidien des familles. « Une maman d’enfant « dys » sur deux réduit son temps de travail pour accompagner son enfant du psychomotricien à l’orthophoniste, parfois en taxi payé par les deniers publics », explique Nathalie Groh, présidente de la Fédération française des dys.
Enseignants peu formés au handicap
« Il est souhaitable qu’enseignants et professionnels de santé se côtoient et coopèrent », ajoute-t-elle. En revanche, les associations s’inquiètent de laisser trop la main à l’Education nationale pour évaluer le handicap et les aides nécessaires. « Ça peut être de la myopathie, un problème de vue ou d’audition, un trouble dys ou cognitif. Ce n’est pas l’enseignant ou l’éducateur qui peut le savoir », souligne Mme Groh. « Ce n’est pas aux enseignants de le faire mais à des professionnels de la médecine. La plupart d’entre eux ne sont pas suffisamment formés au handicap, certains pas du tout », abonde Audrey Chanonat, responsable du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (SNPDEN).
Des familles « mal accueillies »
Les associations rapportent en outre des témoignages de familles s’estimant mal accueillies à l’école. Comme Elodie Villelongue, dont deux enfants de 3 et 5 ans sont suivis pour des troubles du déficit de l’attention (TDAH) et troubles du spectre autistique (TSA). « La directrice de l’école maternelle refuse de me laisser emmener les enfants aux rendez-vous, malgré les courriers des médecins, alors qu’un traitement précoce réduit les conséquences du handicap », regrette cette mère interrogée par l’AFP.
Des enfants mal accompagnés
« Comment laisser la main à l’Education nationale ? Un très grand nombre d’enfants ne vont pas à l’école, ou de façon très partielle, en raison des réticences des enseignants à les accueillir », s’inquiète Danièle Langloys, présidente d’Autisme France. « Notre expérience est que, quand le pouvoir de décision est exercé par l’Education nationale, il est fréquent que les parents n’obtiennent pas les aménagements », selon Christine Getin, directrice de Hypersupers TDAH.
Adapter les propositions aux moyens existants
« L’accompagnement des élèves handicapés n’est pas satisfaisant, reconnaît Mme Chanonat. Les MDPH décidaient des aides à attribuer sans connaître les moyens dont disposait l’Education nationale. Les PAS pourraient être positifs s’ils permettent d’adapter les propositions aux moyens qui existent. » Les familles pourront saisir directement et en parallèle la MDPH si elles ne sont pas satisfaites du dispositif prescrit par l’Education nationale. Mais, pour les associations, l’important reste d’améliorer le fonctionnement de la MDPH et intégrer le handicap dans la formation initiale et continue des enseignants.
© Stocklib Alina Kazlikina
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