Les ingénieurs de demain vont-ils révolutionner le quotidien des personnes handicapées ? Etudiants, ils repensent l’inclusion à la racine via des challenges d’innovation. En 2024, Innov’Handicap récompense une création d’art thermique en relief.
Imaginez-vous, dans un musée, face à la Nuit étoilée de Van Gogh, aveugle et bien démuni. Et s’il était possible de parcourir ce chef d’œuvre du bout des doigts en éprouvant les nuances de couleurs grâce à une palette de chaleurs…
Son nom : Synesthés’art !
Cette expérience pourrait devenir réalité grâce au talent de jeunes ingénieurs de quatrième année (master 1) de l’EPF engineering school. Synesthés’art a été récompensé par le Grand prix du Challenge national « Innov’Handicap » 2024. « Avec ce projet, nous avions comme objectif la création d’art thermique en relief pour une expérience de redécouverte sensorielle inédite et inclusive des personnes malvoyantes », expliquent-ils.
Des étudiants au taquet !
Lors du pitch, la dizaine d’étudiants est au taquet, maîtrisant son sujet, apportant des réponses aiguisées aux questions du jury. Une team hétéroclite, issue de la data, de la santé, du génie civil, de l’aéronautique… partie d’une « page blanche ». 24h chrono pour imaginer l’idée dans ses grandes lignes puis une semaine pour la consolider, tourner une vidéo de présentation et imprimer la maquette en 3D format mini de ce tableau de Van Gogh. Un « premier pas » qui, l’espèrent-ils, « permettra un jour de révolutionner l’accessibilité de l’art ». Le coût de cette prouesse technologique est estimé à 6 000 euros par tableau au format réel.
450 étudiants mobilisés
Pour sa septième édition, ce challenge a mobilisé 450 étudiants répartis dans 45 équipes. On appelle ce type de brainstorming collectif express « hackathon », contraction des termes « hacker » et « marathon ». Objectif ? Concevoir des solutions dans différents domaines, et notamment faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap en un minimum de temps. Neuf finalistes ont pitché devant le jury composé d’experts (Handicap.fr était présent), d’associations et de grandes entreprises.
Des idées lumineuses
Les inventions sont souvent lumineuses. Mais pourquoi n’y a-t-on pas pensé avant ? C’est par exemple, parmi les primés, Robot’aide, un bras robotique fixé à l’arrière d’un fauteuil muni d’une caméra qui permet d’ouvrir une porte ou de ramasser un objet. Ou encore l’appli LiveSign, outil d’aide à la transcription du langage en LSF (langue des signes françaises), comme cela existe déjà, mais qui intègre également les expressions du visage. Le coup de cœur est décerné à Tand’M, un tandem inclusif.
Des germes d’idées
Les autres équipes ont défendu leur création avec conviction, comme ces rampes embarquées sous un fauteuil roulant pour franchir une marche, cette souris tridimensionnelle pour des joueurs cérébrolésés ou ces lunettes qui permettent d’atténuer les bruits et lumières pour les personnes avec un trouble du neurodéveloppement. Malgré la faiblesse technique de certains dossiers, les idées semblent pertinentes. Pour Bouygues Telecom, membre du jury, « il est fascinant de voir que de tels projets, qui ont vraiment du sens, peuvent émerger en 24h ». Il encourage à poursuivre le processus auprès d’entreprises partenaires, en s’appuyant, notamment, sur La handitech, une pépinière high tech dédiée au handicap.
Changer le point de vue des ingénieurs
« Ces challenges sont une excellente façon de faire découvrir l’entrepreneuriat aux étudiants, tout en les acculturant aux sujets du handicap », explique Laurence Verges, déléguée générale de La handitech qui soutient le challenge de l’EPF. Selon elle, « c’est à travers ce type de projet pédagogique que des vocations peuvent naître et que de belles innovations inclusives peuvent se concrétiser ». Elle insiste sur le fait que « la technique et la technologie sont des outils et non des fins en soi », le plus important étant de « changer le point de vue de ces futurs ingénieurs pour replacer l’humain au centre : « Quels sont les besoins de vos utilisateurs ? Quelles sont leurs réalités ? ».
Une meilleure sensibilité aux enjeux d’inclusion
Les étudiants ont en effet eu l’opportunité de discuter avec de nombreuses personnes en situation de handicap et d’appréhender la diversité des réalités derrière ce mot valise et ses enjeux. Laurence Verges, défendant une approche de conception universelle, rappelle également que « le handicap n’est pas binaire » et que « l’un des avantages majeurs de l’innovation inclusive, c’est qu’elle peut également répondre aux besoins des ‘valides’ ». Synesthés’art a été sélectionné parmi les demi-finalistes du Handitech Trophy dans la catégorie « Etudiants » ! Rendez-vous le 24 juin 2024 pour la prochaine étape du concours.
L’inclusion dès la conception !
« Dans votre futur parcours d’ingénieurs, vous devez avoir à l’esprit que l’inclusion doit être envisagée dès le départ », insiste à son tour Dassault aviation, également présent. Et pourquoi pas dès le plus jeune âge ! Science factor, qui a vu le jour en 2011 sous l’impulsion de plusieurs ministères français, met, lui aussi, à l’honneur des inventions scientifiques et citoyennes, inclusives, conçues et développées par des jeunes de la 6e à la terminale et dans lesquelles le handicap est toujours en bonne place (Science factor : des ados inventifs en faveur du handicap).
Et après ?
« Il nous faut maintenant intégrer une junior entreprise pour concrétiser notre projet », fait savoir l’équipe de Synesthés’art -un incubateur a d’ailleurs ouvert en avril 2024 au sein de l’EPF qui permet de transformer l’essai-. Mais aussi évangéliser auprès des associations de personnes handicapées qui peuvent soutenir le projet, auprès de mécènes ou encore de musées en quête de solutions innovantes.
Des success stories, parfois !
Pour ce faire, le challenge Innov’Handicap peut compter sur le soutien de grandes entreprises de la tech avec l’objectif d’aller au bout de l’aventure en commercialisant leurs créations. Le talent de ces jeunes ingénieurs porte parfois ses fruits, à l’instar de la start-up H’ability, née après l’édition 2021, qui, via une solution de réalité virtuelle, aide la rééducation des personnes ayant subi un AVC. Alors du rêve à la réalité, just do it ! Pour s’en convaincre, d’autres success stories « hackhaton » sont à découvrir dans le deuxième volet de ce dossier : Prototypes handicap des hackathons : servent-ils vraiment?.
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