17 quartiers d’accessibilité augmentée ont été officiellement lancés début juillet 2024. Ces « zones d’exemplarité » jouissent d’hébergements, de commerces et d’espaces publics accessibles mais aussi de voiries désencombrées. Vraiment exemplaires ?
« Paris se transforme ! », déclare Lamia El Aaraje, adjointe à la mairie de Paris en charge de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap sur X. Les dix-sept quartiers à accessibilité augmentée (QAA) parisiens ont été officiellement lancés le 4 juillet 2024, près de trois semaines avant le début des Jeux olympiques et paralympiques. Cette « mesure phare » de la politique d’accessibilité de la mairie de Paris entend permettre à tous d’accéder aux services et fonctionnalités du quotidien. L’enjeu ? Simplifier les déplacements des personnes handicapées, âgées ou encore des familles avec poussette.
Vivre en toute autonomie
« Les QAA répondent à un objectif : vivre en toute autonomie, de l’enfance à l’âge adulte en ayant accès, dans une même zone, à des équipements de la petite enfance, des établissements scolaires, des équipements culturels et de loisirs », précise la Ville de Paris dans un communiqué, avec l’ambition de « tendre vers une accessibilité universelle ». Cette démarche s’inscrit dans l’héritage des JOP 2024 et dans le programme de « transformations olympiques » qui vise à garantir l’accueil des publics avec tout type de handicap. Mais « c’est aux Parisiens que les QAA bénéficieront au quotidien sur le long terme », insiste-t-elle, rappelant qu’il en existe un par arrondissement… à l’exception du 1er, 2e, 3e et 4e. « Et si on n’habite pas dans le ‘bon’ quartier, ils nous relogent ? », interroge un internaute sur X.
Une enveloppe de 8,5 millions d’euros
Pour concrétiser ce projet, 500 000 euros par QAA ont été investis, soit un montant total de 8,5 millions d’euros. Ainsi, les voiries, les ERP (établissements recevant du public) et les commerces sont enrichis de plusieurs adaptations : rampe et bande podo tactile installées, trottoirs et arrêts de bus adaptés, créations de places de stationnement PMR, poteaux et autres obstacles supprimés au profit de zones végétalisées, etc. En théorie…
Des usagers dubitatifs
Et en pratique ? « PMR, piétons, poussettes, passez votre chemin ! », préconise le Collectif riverains paradis. « Les personnes à mobilité réduite n’auront qu’à emprunter la chaussée parce que les trottoirs ne sont pas assez larges (…pour les terrasses) », déplore-t-il sur X, évoquant des restaurants qui occupent une large partie du trottoir dans le 10e arrondissement et des obstacles, comme des poteaux, leur barrant la route. « Je ne comprends pas le terme ‘augmenté’ puisqu’il s’agirait de rendre ces quartiers accessibles = juste le job minimal de l’état », réagit, par ailleurs, un internaute sur X. En 2023, Elena Chamorro, membre du Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (CLHEE), déclarait sur cette même plateforme : « Donc, la super idée de Paris est de concentrer les personnes dites ‘à mobilité réduite’ dans des quartiers dits ‘d’accessibilité augmentée’ », y percevant une volonté de « ségréguer ».
Des exigences revues à la baisse ?
L’échéance des JOP a permis à « la démarche QAA de voir le jour après 18 à 24 mois, alors que deux décennies de travaux étaient initialement prévues », se félicite la mairie de Paris. Mais à quel prix ? Alors qu’elle prévoyait en 2022 « un ensemble complet de services de proximité accessibles universellement incluant : hôtels, commerces, écoles, transports, services administratifs, culturels ou sportifs », la plupart des établissements desservis par les QAA sont municipaux.
Des ERP encore peu accessibles ?
Quid des ERP privés ? Beaucoup n’ont, semble-t-il, pas encore fait le job. La ville de Paris avait pourtant lancé un appel à projets sur trois QAA (dans le 8e, 10e et 14e arrondissement), incitant les commerçants à réaliser des travaux d’accessibilité. Elle proposait ainsi une aide de 10 000 euros pour financer jusqu’à 80 % du coût global de leur projet, permettant par exemple la mise en place de : revêtements non glissant de sols, un marquage au sol sans ressaut, une signalétique en braille, une circulation dégagée, ainsi que des caisses, des sanitaires et des cabines d’essayage accessibles. « La démarche a vocation à être amplifiée et les travaux pour augmenter le nombre d’espaces accessibles se poursuivent », assure la Ville.
Comment savoir si un établissement est adapté ? Des volontaires effectuent actuellement une cartographie des ERP accessibles dans les 17 QAA afin de pouvoir contribuer à la plateforme collaborative « Accès Libre » qui répertorie plus de 443 000 lieux accessibles (Accessibilité PMR : 425 000 lieux recensés sur Acceslibre?).
Former les agents municipaux
« La formation des agents des ERP municipaux et des employés des commerces ainsi que la sensibilisation des riverains est indispensable au bon fonctionnement de ces quartiers », consent la Ville de Paris. « Avec les JOP, ces actions de sensibilisation sont renforcées et accompagnées d’une campagne de communication incluant la pose d’affiches et de stickers dans chaque ERP et de panneaux explicatifs et illustratifs (testés actuellement dans les 10e et 13e arrondissements) », poursuit-elle.
Une appli de guidage pour les aveugles
Par ailleurs, « l’application Streetnav propose à toutes les personnes en situation de handicap un guidage extérieur et intérieur dans les parcours et les établissements des QAA », annonce-t-elle. Un bracelet vibrant indique aux personnes avec une déficience visuelle la direction à prendre. Celle d’une accessibilité universelle pleinement effective, où est-elle ?
© Joséphine Brueder / Ville de Paris
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr »
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