80 000 travailleurs indépendants sont en situation de handicap en France. Quel est leur profil ? De quels dispositifs d’accompagnement bénéficient-ils ? Quelles bonnes pratiques adopter quand on se lance ? Réponses dans l’étude Avenir TIH.
Etre en situation de handicap et se lancer dans l’entrepreneuriat ou être entrepreneur et devenir handicapé. Ces deux trajectoires sont celles vécues par 80 000 personnes en France en 2024 : les Travailleurs indépendants handicapés (TIH).
Une étude pour mieux les accompagner
« Dans quelle mesure bénéficient-ils de dispositifs d’accompagnement adaptés à leurs besoins ? », interroge Linklusion, plateforme de mise en relation spécialisée dans les TIH. Sa dernière étude, Avenir TIH, publiée en août 2024, se penche sur la prise en charge de ces entrepreneurs dont le statut reste encore « largement méconnu » et qui jouit de dispositifs de soutien assez « limités ». Objectif ? Révéler leurs besoins et sensibiliser les pouvoirs publics.
Une mise en lumière récente
Longtemps oubliés par les politiques publiques, les TIH ont gagné en visibilité grâce à la loi Macron de 2015-2016, qui leur reconnaît un statut particulier. Plusieurs organisations ont ensuite émergé afin de les accompagner, telles que H’up entrepreneurs et Linklusion. Mais, en raison de cette mise en lumière récente, très peu de données existent sur les freins et les besoins qui jalonnent leur parcours entrepreneurial.
Quel est le profil des entrepreneurs handicapés ?
Cette étude de 76 pages vise ainsi à mieux les connaître pour mieux les accompagner. Elle s’adresse, plus précisément, aux travailleurs indépendants qui ont fait face à l’apparition d’une situation de handicap ou d’une maladie. Leur profil ? Il s’agit le plus souvent d’hommes de 45 ans issus du secteur primaire ou secondaire, comme l’agriculture et la construction.
3 difficultés majeures
En moyenne sur cinq ans, ils rencontrent 1 160 « difficultés » (au sens de limitations) dans leur parcours entrepreneurial, avec une moyenne de deux à trois par indépendant. Les principaux obstacles rencontrés concernent les volets fonctionnels (mobilité, port de charges, problèmes sensitifs…), la fatigabilité et les douleurs (chroniques ou non).
Les acteurs de droit commun
Pour les soutenir, l’étude relève plusieurs dispositifs « conçus pour couvrir de manière exhaustive les besoins des TIH aux différentes étapes de leur activité ». Les acteurs qui les accompagnent sont perçus comme « disponibles » et « réactifs ». Quand le handicap ou la maladie survient, il est tout d’abord possible de solliciter les acteurs de droit commun. Dans le domaine de la santé, du social et du médico-social, il s’agit des institutionnels (Sécurité sociale, MSA, Urssaf, unités de soins spécialisés, services de prévention et de santé au travail) ou encore des mutuelles et assureurs.
Dans le domaine de la formation, ils peuvent s’adresser aux acteurs dédiés (chambres consulaires, association pour la formation professionnelle des adultes, CNAM, CNED, GRETA) ou aux financeurs (opérateurs de compétences, Agefice, FAFCEA) qui prennent en chargent les formations des travailleurs non-salariés.
Sur le plan entrepreneurial et stratégique, il existe quatre ressources majeures : prévention (assurance homme clé, management de transition, comptable, notaire), réaction/accompagnement (structures d’accompagnement des entrepreneurs), appui au financement (banques traditionnelles, BPI, Réseau entreprendre, acteurs institutionnels et territoriaux comme la région ou le département), réseaux d’entrepreneurs (Medef, FNAE, UAE…).
Les acteurs « liés au handicap »
Il existe également des acteurs dédiés à l’accompagnement des personnes handicapées. Les services publics de l’emploi et les acteurs institutionnels (Cap emploi, Apec, France Travail…) peuvent prescrire certaines aides et prestations et apporter soutien et conseil, tandis que les professionnels identifient leurs besoins spécifiques et facilitent l’accès aux droits (médecin généraliste, services sociaux, étude ergonomique…). Des aides financières peuvent aussi être versées par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et l’Agefiph (aide au parcours, aux déplacements, à la formation, à l’adaptation des situations de travail, reconnaissance de lourdeur du handicap…). Enfin, les TIH peuvent se tourner vers les structures d’accompagnement qui leurs sont dédiées, comme Linklusion, H’up entrepreneurs…
« Pour autant, les dispositifs étant souvent récents, ils souffrent d’au moins trois difficultés : ils sont méconnus, en cours d’adaptation et insuffisamment connectés entre eux », pointe le document.
Améliorer l’information et l’accès aux droits
Pour répondre aux enjeux identifiés, ses auteurs recommandent notamment d’accroître la connaissance des thématiques à la croisée de l’entrepreneuriat et du handicap, en prenant en compte la spécificité des problématiques propres à chaque typologie de handicap : détection et reconnaissance pour le handicap invisible, accessibilité et mobilité pour le handicap physique, opportunité temporelle pour le handicap dégénératif. Mais aussi d’améliorer l’efficacité de l’accès aux droits, à la fois la rapidité de l’initiation et de la mise en place des dispositifs et d’accompagner de manière holistique l’entrepreneur à différents stades de son parcours, à travers la sollicitation de tous les acteurs de l’écosystème, et jusqu’à la préparation de la retraite.
Anticiper la future insertion professionnelle
Autres recommandations : informer dès que possible et détecter les problématiques via un guichet unique, notamment à l’aide d’outils de communication. Enfin, l’étude pointe la nécessité d’anticiper, dès l’apparition du problème de santé, le besoin de rétablissement psychologique ainsi que la future (ré)insertion professionnelle, à travers le recours aux professionnels de santé mentale, les groupes de parole entre pairs ainsi que les aidants, notamment quand ceux-ci participent à la vie de l’entreprise.
Les bonnes pratiques à mettre en place en prévention…
Enfin, l’étude propose un résumé des bonnes pratiques à mettre en place, en prévention :
- S’informer afin de choisir son statut juridique en toute connaissance de cause (par exemple via la protection sociale des indépendants ou le régime des salariés) ;
- Souscrire à une prévoyance, même basique, afin de bénéficier d’un revenu minimum en cas d’arrêt de l’activité et comparer les modalités de déclenchement ;
- Enregistrer chez un notaire ou prévoir à minima un document officiel pour organiser le changement de représentant légal en cas de besoin ;
- Intégrer le risque de perte de revenus dans le plan de trésorerie pour les imprévus (la santé n’étant qu’un des aléas à prendre en compte) ;
- Travailler avec un partenaire, un confrère ou un sous-traitant stratégique capable de suivre les affaires en cas d’hospitalisation.
… et en réaction
- Contacter les caisses de retraite et l’Urssaf pour stopper les prélèvements basés sur les revenus à venir ;
- Savoir s’entourer (partenaires, prestataires…) et éventuellement embaucher si la trésorerie et les prévisions le permettent ;
- Vérifier auprès des banques les modalités des assurances liées aux financements (emprunts bancaires) ;
- Avoir une réflexion globale sur les adaptations à mettre en place au niveau de l’organisation de l’entreprise (en lien avec Cap Emploi) ;
- Repenser le modèle économique afin de prendre en compte cette nouvelle situation (horaires de travail, déplacements professionnels, tâches physiques…) ;
- Se familiariser avec le statut de TIH et ses avantages (incitation financière) et son écosystème entrepreneurial. Notamment les structures d’accompagnement qui peuvent appuyer cette période de mutation.
Prêts à se lancer ?
© Stocklib Monika Wisniewska
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr »
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