Discrimination, salaire moindre, perspectives de carrière réduites… Tout au long de leur parcours professionnel, les personnes handicapées font face à des injustices. Une étude alerte sur l’absence d’égalité des chances, 20 ans après la loi de 2005
90 % des personnes en situation de handicap déclarent avoir déjà été traitées de manière « injuste » dans le monde du travail, soit 20 % de plus que les « valides ». Ces résultats alarmants sont issus de l’étude « Égalité des chances en emploi : une réalité pour les personne handicapées ? », menée par l’Ifop, auprès de plus de 6 000 d’entre elles, et présentée le 5 novembre 2024, en amont de la 28e Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), qui mettra précisément en lumière ce thème du 18 au 22 novembre (SEEPH 2024 : pour une vraie égalité des chances en emploi!).
Deux fois plus difficile de trouver un emploi
Le revenu et l’accès à l’emploi trônent en tête des facteurs d’injustice dans la société, loin devant l’accès au logement, aux soins médicaux, aux transports… De fait, 62 % des personnes en situation de handicap estiment qu’il est difficile de trouver un emploi, soit près de deux fois plus que la population générale. Elles pointent également des obstacles pour progresser dans leur carrière. Ainsi 63 % d’entre elles ont dû changer de métier ou de poste en raison de leur handicap tandis que les trois quarts ont le sentiment que celui-ci a freiné leur évolution professionnelle.
Ces inégalités entraînent un sentiment de manque de légitimité chez les travailleurs handicapés, ayant un impact sur leur capacité à négocier leur salaire ou demander une augmentation. Preuve en est : 64 % jugent leur rémunération actuelle trop basse (contre 49 % pour l’ensemble des salariés).
La méconnaissance du handicap, un frein majeur
L’un des premiers freins réside dans la méconnaissance du handicap au sein des organisations. Pour 73 % des répondants, la situation de handicap est invisible et donc méconnue de leur entourage professionnel. « Ce phénomène est accentué par le fait que seule la moitié parle de son handicap avec ses collègues », souligne l’Agefiph (fonds dédié à leur insertion professionnelle dans le privé), qui a commandé cette étude, avec le FIPHFP (fonds dédié à l’insertion professionnelle dans le public) et Ladapt (association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées) -tous trois co-organisateurs de la SEEPH. En effet, plus de la moitié des répondants craignent de subir des discriminations s’ils évoquent le sujet. Et pour cause, 36 % d’entre eux ont déjà observé des « comportements hostiles » en raison de leur handicap.
Double peine pour les femmes handicapées
En tête de liste ? Les femmes en situation de handicap, qui subissent une double peine. En effet, 82 % d’entre elles considèrent que la société est injuste, contre 73 % des hommes handicapés. « Ces chiffres soulignent l’importance de prendre en compte cette double vulnérabilité dans les politiques d’inclusion », insiste Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop, qui présente l’étude.
Des ambitions encore plus fortes
Pourtant, 73 % des personnes interrogées affirment que leur handicap n’a aucune incidence sur leur capacité à accomplir leur travail. D’ailleurs, elles partagent les mêmes aspirations professionnelles que la population générale, se révélant parfois même plus ambitieuses. En effet, 41 % d’entre elles expriment le souhait de devenir manager, soit deux points de plus que la moyenne nationale. Un chiffre « très encourageant, pour ne pas dire admirable », selon Frédéric Dabi, qui « illustre une forme de résilience et cette volonté de s’intégrer qui ressort massivement de cette étude ».
Une prise de conscience des entreprises
Une réelle prise de conscience de ces difficultés semble s’effectuer au sein des entreprises françaises : 58 % des employeurs reconnaissent que les personnes handicapées sont les plus susceptibles d’être discriminées au sein de leur organisation. Pour autant, seuls 16 % considèrent ce sujet comme une « priorité en matière d’égalité des chances », loin derrière l’égalité femmes-hommes. Soucieuses de changer la donne, de nombreuses organisations ont mis en place des actions concrètes afin d’améliorer l’intégration de ces salariés. Ainsi, 66 % de ces derniers félicitent la mise en place des aménagements de leur poste de travail. Et de manière plus globale : 69 % estiment que leur organisation est plutôt « bienveillante et inclusive » à leur égard -sur ce point, les grandes entreprises sont plus à la pointe (78 %) que les très petites (TPE) (54 %). Si Frédéric Dabi invite à « voir le verre à moitié plein », il souligne tout de même que « 31 % des sondés pensent le contraire, ce qui n’est pas négligeable ».
Plus d’aménagements et de sensibilisation !
Mais les salariés en situation de handicap estiment qu’il est possible d’aller plus loin, par exemple sur l’aménagement des conditions de travail (télétravail et horaires adaptés). Il est aussi nécessaire de mieux former et sensibiliser les managers au handicap, une requête qui concerne aussi bien les personnes en situation de handicap (39 %), que les salariés (29 %) et surtout les dirigeants (43 %). Par ailleurs, un répondant sur cinq sollicite la mise en place d’un quota de salariés handicapés. De quoi relancer ce débat brûlant…
Accompagner, aussi, les entreprises
Outre le développement de mesures en faveur des travailleurs handicapés, les trois commanditaires de cette enquête affirment vouloir renforcer l’accompagnement des entreprises « dans leur capacité à mettre en place des politiques qui permettent à ces employés de se projeter dans leur vie professionnelle comme tout un chacun ». « Il faut les convaincre de l’intérêt d’intégrer en leur sein une personne handicapée », martèle le nouveau président de l’Agefiph, Christian Ploton.
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« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr »
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