Le salariat n’est pas fait pour tout le monde, et Fatima en a fait l’expérience. Usée par des problèmes de communication récurrents avec ses collègues, cette quadra malentendante a opté pour l’indépendance. Portrait d’une entrepreneure obstinée !
Allier handicap et entrepreneuriat ? Un pari risqué pour certains… une évidence pour d’autres. Pour Fatima, le choix ne s’est pas imposé dès le départ. Cette quadragénaire, malentendante de naissance, commence sa vie professionnelle dans un grand groupe en tant que documentaliste, avant de devenir journaliste. À l’époque, raconte-t-elle, son handicap est sa « honte ». Dix ans plus tard, sa carrière de salariée prend fin. En cause : des problèmes de communication, « énormes et systématiques », avec ses collègues. « Ça ne pouvait pas venir que des autres ; j’avais forcément une part de responsabilité », se souvient Fatima.
Un métier choisi en fonction du handicap
De là naît son projet de reconversion professionnelle : se former à la naturopathie et à la psychopratique. Un virage important, qu’elle explique en partie par son besoin de proposer des solutions non médicales aux personnes handicapées. « Le monde médical m’a dégoûtée de mon handicap », confie Fatima. Peu d’empathie ou d’accompagnement psychologique, et l’impression persistante de « ne pas être suffisante ». Ce qui la pousse à révéler la raison cachée de son choix de carrière, celle qu’elle n’avoue presque jamais : « J’imaginais que la naturopathie m’aiderait à supprimer mon handicap », sourit-elle, timide.
Un « rêve illusoire », s’aperçoit-elle très vite. Après deux ans de formation, durant lesquels elle passe également un certificat de psychopraticienne, Fatima réalise que son handicap est permanent. Et que la clé réside plutôt dans l’acceptation.
De la gestion d’association aux ateliers handicap
Ce déclic marque le début d’une nouvelle transition professionnelle. Plutôt que d’intervenir sur l’hygiène alimentaire, elle décide d’accompagner les personnes en situation de handicap dans le renforcement de leur estime d’elles-mêmes. Elle lance l’association Positive Handi en 2019. « La société invisibilise et marginalise le handicap. À force, on finit par y croire et par l’intérioriser », regrette Fatima.
En parallèle, elle reçoit des propositions pour animer des ateliers. D’abord une ou deux, puis de plus en plus. À l’été 2024, elle ferme l’association, qu’elle gérait à titre bénévole. « En plus des ateliers, j’aimerais mettre en place des accompagnements individuels », explique l’entrepreneure – un chantier qu’elle ne pourrait pas développer si l’association existait toujours.
Des accompagnements aux TIH essentiels
Ce parcours professionnel, aux virages nombreux et parfois en tête d’épingle, ne doit pas son succès exclusivement à la chance de Fatima. Dès le départ, elle mobilise toutes les ressources disponibles, à commencer par son réseau : « J’avais gardé de très bons contacts avec mes anciens employeurs, ce qui m’a aidée. Je me suis aussi rapprochée d’entrepreneurs en situation de handicap, qui m’ont conseillée pendant plusieurs années ».
Plus tard, c’est au tour de Linklusion de faire son entrée. À l’instar d’autres organismes (comme l’association H’up entrepreneurs ou la plateforme TIH-Learning lancée par l’Agefiph et Malakoff Humanis), cet accompagnement dédié aux Travailleurs indépendants en situation de handicap (TIH) est financé par l’État. Fatima parle d’un véritable « tremplin » : « Ils ne m’ont jamais rien imposé. Au contraire, c’est l’autonomie de l’entrepreneur qu’ils visent ». Pour la première fois, pas question de surcompensation : c’est Linklusion qui s’adapte à sa réalité. « Au final, c’est aussi grâce à eux que j’ai appris à aimer mon handicap », conclut-elle.
© Fatima Chaaban
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