Plus de 800 Entreprises adaptées emploient 57 000 salariés. Quel est leur rôle ? Quelle valeur ajoutée pour les personnes en situation de handicap ? Sébastien Citerne, délégué générale de l’Union nationale des EA, démystifie ce « modèle vertueux ».
Handicap.fr : Qu’est-ce qu’une « entreprise adaptée » ?
Sébastien Citerne, délégué général de l’UNEA (Union nationale des entreprises adaptées) : Une EA est une entreprise du milieu ordinaire qui a la spécificité d’employer au moins 55 % de travailleurs handicapés. C’est donc un modèle entrepreneurial au service d’une mission sociale qui se définit par deux composantes :
– le volet entrepreneurial (le « E ») se concentre sur le développement d’activités économiques viables, pérennes et créatrices d’emplois sur les territoires ;
– le volet « adapté » (le « A ») concerne l’adaptation de ce modèle économique à l’inclusion majoritaire de personnes en situation de handicap parmi les effectifs de l’entreprise.
H.fr : En quoi consiste, plus précisément, cette mission « sociale » ?
SC : L’objectif est de permettre à ces personnes d’accéder à l’emploi, de développer des compétences et d’assurer leur maintien durable dans le monde du travail. Cette insertion peut se faire au sein même des Entreprises adaptées, pour celles nécessitant un environnement de travail spécifique, ou vers des employeurs classiques lorsque les personnes sont prêtes à réintégrer le marché du travail traditionnel.
H.fr : Quel valeur ajoutée pour le travailleur handicapé ?
SC : D’un point de vue organisationnel et, si on schématise, dans une EA, l’environnement du salarié va être adapté à son handicap (aménagement du poste, des horaires et rythmes, accompagnement socio-professionnel renforcé, management spécifique, etc.) alors que dans une entreprise « classique », c’est bien souvent au salarié de s’adapter aux contraintes du service ou de la production.
H.fr : Ainsi, les EA constituent-elles des tremplins vers le milieu ordinaire ou des alternatives ?
SC : Les EA peuvent être un tremplin pour certains salariés et pas pour d’autres. Leur rôle est de les accompagner dans leur choix de parcours. Elles disposent pour cela d’outils classiques comme la formation ou leurs politiques de gestion des emplois et des parcours professionnels mais aussi d’outils spécifiques pour accompagner les salariés qui le souhaitent vers une transition professionnelle hors de l’EA, comme la mise à disposition, le CDD tremplin ou l’Entreprise adaptée de travail temporaire (EATT) (CDD tremplin/EATT en cas de handicap : c’est définitif!).
H.fr : Combien de personnes emploient-elles ?
SC : Elles emploient plus de 57 000 salariés dont 40 500 en situation de handicap et constituent un réseau de plus de 800 TPE (Très petites entreprises), PME (Petites et moyennes entreprises) et même ETI (Entreprises de taille intermédiaire) implantées sur l’ensemble du territoire. Elles proposent 250 métiers dans 22 secteurs d’activités, de l’agriculture aux services en passant par la sous-traitance industrielle, réalisant plus d’1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires. En outre, pour un certain nombre de personnes handicapées, elles perçoivent de l’État une « aide au poste » qui concoure à compenser les conséquences du handicap de ces travailleurs éloignés de l’emploi.
H.fr : En quoi « l’inclusion est une force pour la performance économique des entreprises » ?
SC : Deux indicateurs montrent l’impact d’un management inclusif sur leur performance. Avec en moyenne 71 % de salariés en situation de handicap et 50 % des effectifs âgés de plus de 50 ans, nombre d’EA sont aujourd’hui prestataires de rang 1 de nombreux grands groupes et répondent aux mêmes critères qualités que leurs concurrents. D’autre part, parce qu’elles ont dans leur ADN le savoir pour adapter l’environnement de travail aux contraintes de leurs salariés, elles sont tout aussi capables d’innover et de s’adapter pour répondre aux évolutions des besoins de leurs clients. C’est ce que l’UNEA démontre cette semaine avec sa campagne « les Entreprises adaptées, la performance qui a du sens », à retrouver sur notre page LinkedIn.
H.fr : Une récente étude de l’Ifop révèle que 90 % des personnes handicapées sont victimes de discriminations et d’injustices en emploi (Handicap : un parcours professionnel semé d’injustices). En quoi les EA limitent-elles ces risques ?
SC : Effectivement, dans le monde de l’entreprise, de nombreux préjugés demeurent. D’ailleurs le taux d’emploi direct de personnes en situation de handicap plafonne à 3,5 % (ndlr : dans le privé) pour une obligation d’emploi minimale à 6 %. Cela traduit bien les difficultés d’accès à l’emploi des personnes handicapées, tandis que le nombre de demandeurs d’emploi qui ne diminuent pas (490 000).
Comme le définit l’article L5213-13-1 du code du travail, « les Entreprises adaptées permettent à leurs salariés d’exercer une activité professionnelle dans un environnement adapté à leurs possibilités, afin qu’ils obtiennent ou conservent un emploi » tout en « valorisant leurs compétences ». C’est leur vocation, leur mission et plus encore, leur ADN depuis plus de 30 ans. Leurs équipes d’encadrement possèdent une expertise du management de personnes en situation de handicap dont peu d’employeurs peuvent se targuer.
Par ailleurs, on sait que 85 % des handicaps apparaissent au cours de la vie, et notamment à cause de l’usure professionnelle qui conduit à de nombreux licenciements pour inaptitudes. Aujourd’hui, la moitié des effectifs des EA sont constitués de salariés de plus de 50 ans. L’emploi et la reconversion des séniors bénéficiant d’une Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) constitue également un savoir-faire spécifique aux Entreprises adaptées.
© Stocklib Andriy Popov
« Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr »
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